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Les neurosciences percent le secret des premières gravures abstraites

Haut : gravure découverte sur le site de Blombos (Afrique du Sud) datant de 75000 ans. Centre : exemple de catégories visuelles utilisées dans l’expérience. Bas : activations cérébrales provoquées par la perception de gravuresHaut : gravure découverte sur le site de Blombos (Afrique du Sud) datant de 75000 ans. Centre : exemple de catégories visuelles utilisées dans l’expérience. Bas : activations cérébrales provoquées par la perception de gravures

Les premières gravure abstraites étaient-elles le fruit du hasard ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre une équipe de chercheurs du site bordelais (archéologues de PACEA - CNRS-Université de Bordeaux-Ministère de la culture - et spécialistes en imagerie cognitive de l'IMN - Institut des Maladies Neurodégénératives - CEA-CNRS-Université de Bordeaux). L'équipe publie les résultats de ses recherches le 3 juillet 2019 dans Royal Society Open Science. 

Bien avant les peintures de la grotte de Lascaux, les premiers humains ont inscrit des motifs abstraits sur des pierres, des coquillages ou des coquilles d’œufs, les plus anciens datant de 540 000 ans. Pour les archéologues qui ont découvert ces tracés préhistoriques, la question est de savoir s’ils étaient le fruit du hasard, d’une volonté d’imiter la nature ou dotés d’une signification. Une collaboration inédite entre des archéologues et chercheurs en neuroimagerie cognitive du CNRS, de l’université de Bordeaux et du CEA offre pour la première fois des éléments de réponse à cette question. Ces motifs abstraits préhistoriques sont analysés par les mêmes zones du cerveau que celles qui reconnaissent les objets. Ils activent également une région de l’hémisphère gauche bien connue dans le traitement du langage écrit. Les résultats de cette collaboration interdisciplinaire renforcent l’hypothèse que nos ancêtres ont très tôt attribué une signification à leurs tracés, peut-être même symbolique.

Les neurosciences au service de l’archéologie

Des peintures paléolithiques à l’invention de l’écriture, la production et la perception de représentations symboliques a constitué un aspect majeur de l'activité cognitive des populations humaines du passé. Mais à ce jour, il n'existe pas de consensus sur l’apparition de comportements symboliques chez nos ancêtres. Pour certains, il y aurait eu une révolution cognitive soudaine, se produisant avec l’installation des populations modernes en Europe il y a 42 000 ans. Pour d’autres, la découverte d’objets de parure, de pigments et de gravures abstraites sur des sites africains datant de plus de 100 000 ans indiquerait que des pratiques symboliques seraient apparues sur ce continent et seraient la conséquence de l’origine de notre espèce en Afrique. Pour d’autres encore, les Néanderthaliens et d’autres populations, dites archaïques, avaient aussi des comportements symboliques. Un petit lot de gravures abstraites a été découvert dans des sites africains et eurasiatiques vieux de plus de 40 000 ans. Pour éclaircir la nature de ces gravures, des chercheurs du Groupe d’Imagerie Neurofonctionnelle (Institut des Maladies Neurodégénératives, Université de Bordeaux - CEA – CNRS) et du laboratoire PACEA (Université de Bordeaux – CNRS – Ministère de la Culture) ont cartographié les régions du cerveau impliquées dans la perception des plus anciennes gravures paléolithiques.

La première cartographie cérébrale des plus anciennes expressions graphiques connues

A l’aide des techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale, les chercheurs ont comparé les zones cérébrales qui s’activaient quand on montrait aux participants les tracés des gravures préhistoriques, à celles qui s’activaient quand on leur présentait d’autres types de représentations. Le système visuel humain est organisé de façon hiérarchique, avec des aires dites primaires qui analysent les éléments composant une image (contraste, couleur, orientation) et des aires secondaires, qui permettent de distinguer les différentes catégories visuelles. Ainsi, certaines zones cérébrales sont plus spécialisées dans l’analyse des paysages, d’autres dans celle des objets ou de l’écriture. Les zones cérébrales activées par les gravures préhistoriques ont été comparées à celles activées par des objets, des mots, des paysages et un alphabet ancien inconnu des participant à l’expérience. Résultat : la perception visuelle des gravures paléolithiques active les mêmes zones cérébrales que les objets, alors qu’elle ne modifie pas l’activité des zones liées à la vision de paysages ou de l’alphabet ancien. Cela confirme que les plus anciennes gravures abstraites ont des propriétés visuelles semblables à celle d’objets auxquels on peut attribuer une signification. De surcroît, les gravures activent une zone cérébrale latéralisée dans l’hémisphère gauche, connue pour son implication dans le traitement du langage écrit, ce qui renforce l’idée que ces gravures avaient le potentiel de servir de moyen de communication pour les premiers humains. 

Référence de l'article : Mellet E, Salagnon M, Majkic ́A, Cremona S, Joliot M, Jobard G, Mazoyer B, Tzourio-Mazoyer N, d’Errico F. 2019 Neuroimaging supports the representational nature of the earliest human engravings. R. Soc.open sci.6: 90086. 

http://dx.doi.org/10.1098/rsos.190086

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