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Université de Bordeaux
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Des tapis d’herbes séchées et brûlées aménagés il y a 200 000 ans à Border Cave, Afrique du Sud

Site archéologique de Border Cave, Afrique du sudSite archéologique de Border Cave, Afrique du sud

Une équipe internationale d'archéologues dont notre collègue Francesco d'Errico (UMR PACEA), présente aujourd'hui dans la revue Science la découverte de tapis d'herbes utilisés par les habitants de Border Cave il y a au moins 200 000 ans.

L’utilisation de plantes dans des sites paléolithiques n’est que rarement identifiée du fait de la mauvaise conservation de la matière organique. Le site de Border Cave, perché au sommet d’une falaise à la frontière entre l’Eswatini et la province sud-africaine du KwaZulu-Natal, est une exception. Une équipe internationale d'archéologues présente aujourd'hui dans la revue Science la découverte de tapis d'herbes utilisés par les habitants de Border Cave il y a au moins 200 000 ans pour créer des zones confortables pour y dormir et travailler. A l‘arrière de la grotte, des gerbes d'herbes appartenant à la sous-famille des Panicoideae à larges feuilles ont été déposées sur des couches de cendres. De ces tapis ne subsistent que des traces éphémères d'herbe silicifiée, à peine visibles à l’œil nu mais analysables à l’échelle microscopique. Certaines litières reposent sur des couches d’herbe brûlées, vraisemblablement dans le but d’assainir le sol et éliminer les parasites. A d’autres endroits, ce sont les cendres provenant de feux qui ont été dispersées pour créer une surface sur laquelle a été posée une nouvelle litière. Les chercheurs estiment que la pose d'une couche d'herbe sur les cendres était une stratégie délibérée, destinée à créer une base propre pour la litière, mais aussi afin de repousser les insectes, principalement les tiques. Plusieurs récits ethnographiques indiquent que les insectes ne peuvent pas se déplacer dans une poudre fine car la cendre bloque leur appareil respiratoire, les empêche de piquer et finit par les déshydrater. Des restes de Tarchonanthus, une plante riche en camphre, ont été identifiés au sommet du tapis le plus ancien. Cette plante est encore utilisée de nos jours pour éloigner les insectes dans les régions rurales d'Afrique de l'Est.

De gauche à droite et de haut en bas : localisation de Border Cave et du site fouillé par l'équipe franco-sud africaine (gauche). Zone fouillée, avec âge des couches archéologiques (centre, haut). Détail d'un décapage dans une couche datée à 160 000 ans et contenant les restes de tapis d'herbe sèche fossilisé (haut droite). Fragment d'herbe fossilisé photographié au microscope optique et au microscope électronique à balayage (droite, centre). Analyses sur site et en laboratoire de restes découverts dans les couches contenant des tapis d'herbe (bas). Possibles particules d'ocre (bas à droite).
Photos : Wadley et Stratford

Les restes archéologiques découverts dans les tapis révèlent que les hommes préhistoriques les utilisaient comme lieu de travail et de repos car des débris de la fabrication d'outils en pierre ont été trouvés mélangés aux restes d'herbe. De nombreux petits grains arrondis d'ocre rouge et orange, repérés au milieu des restes végétaux fossilisés pourraient provenir de la peau couverte d’ocre des occupants de la grotte ou d’objets colorés. Les habitants de Border Cave ont régulièrement fait du feu et entretenu des foyers à l’intérieur de la grotte. Des foyers sont présents tout le long de la stratigraphie du site, qui va de 200 000 à 38 000 ans avant le présent. Les résultats de l’étude montrent qu'il y a 200 000 ans les premiers membres de notre espèce maitrisaient parfaitement le feu et l’utilisaient, ainsi que les cendres et des plantes médicinales, pour entretenir le sol de leurs habitats et éloigner les parasites. Ces stratégies ont sans doute eu des effets bénéfiques sur l’état de santé de ces populations.

L'étude a été menée par une équipe multidisciplinaire de l'Université du Witwatersrand (Afrique du Sud), du CNRS (Université de Bordeaux, France), de l'Université Côte d'Azur (Nice, France), de l'Instituto Superior de Estudios Sociales (Tucumán, Argentine), de l'Institut Royal du Patrimoine Culture (Belgique), et de l’Université de Bergen (Norvège).

Référence :Fire and grass-bedding construction 200 thousand years ago at Border Cave, South Africa, Lyn Wadley, Irene Esteban, Paloma de la Peña, Marine Wojcieszak, Dominic Stratford, Sandra Lennox, Francesco d’Errico, Daniela Eugenia Rosso, François Orange, Lucinda Backwell, Christine Sievers, Science 14 Aug 2020:Vol. 369, Issue 6505, pp. 863-866
DOI: 10.1126/science.abc7239

Lien vers l'article : https://science.sciencemag.org/content/369/6505/863.full

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